Le néolibéralisme est la cible de critiques récurrentes parmi les altermondialistes et les mouvances idéologiques de gauche qui s’insurgent contre l’émergence d’une société de marché. Le livre de Pierre Dardot et de Christian Laval va bien au-delà des slogans idéologiques pour préciser les fondements philosophiques du néolibéralisme. Le néolibéralisme est une rupture profonde au sein de la doctrine libérale classique. Conçu à la fin des années 30, au sein de cercles intellectuels restreints (colloque Walter Lippmann tenu à Paris les 26 et 30 août 1938), le néolibéralisme vise l’intervention de l’État au service du marché. En l’occurrence, les politiques publiques sont délivrées grâce au concours de la puissance publique et des forces du marché. La liberté individuelle n’est plus protégée dans la mesure où la commande publique se substitue à la main invisible du marché défendue naguère par un penseur tel qu’Adam Smith. Le néolibéralisme, en tant que doctrine fondée sur l’idée d’une société de marché où toutes les sphères de l’existence sociale (santé, éducation) sont indexées sur les échanges économiques, a pour précurseur l’ordolibéralisme élaboré par des économistes tels que Walter Eucken (1891-1950) et des juristes comme Franz Böhm (1895-1977) où l’ordre constitutionnel garantit les principes de la concurrence (cette conception a prévalu dans l’Allemagne fédérale après la Seconde guerre mondiale). La rationalité néolibérale a favorisé l’apparition d´un nouveau sujet se caractérisant par l’intériorisation d’un modèle de performance étendu à toutes les institutions sociales. L’individu néolibéral est sujet à des souffrances psychiques importantes, l’emprise de cette norme devenant difficilement soutenable. Le néolibéralisme n’est pas l’institution d´un marché libre, mais la rationalisation et la mise en place d’un contrôle social de plus en plus fort. In fine, la politique elle-même est menacée par cette idéologie, qui contredit les principes du débat public.