Cet article examine comment l’élaboration d’une pensée irrationnelle dans des romans récents de Claire Castillon, Carole Martinez et Marie NDiaye aboutit à une position de « l’irr(el)ationnel », qui bouleverse les relations anthropocentriques de l’humain. Dans le développement fictionnel de l’irrationnel par ces auteures, on observe des transgressions des limites physiques et psychiques de l’humain qui sont liées aux expériences traumatiques des personnages ainsi qu’à la transmission générationnelle. L’univers de ces récits se dessine à travers les voix narratives des personnages féminins, qui ont tous vécu des expériences traumatiques, telles que le viol, l’inceste, l’enfermement et le meurtre, et choisi de se retirer pour atteindre une autonomie hors du champ social et de la rationalité spatiotemporelle. S’appuyant sur un patrimoine littéraire, émanant du genre fantastique et du conte merveilleux et renvoyant à des croyances populaires ou mythologiques, ainsi qu’à une perception altérée du monde, cette écriture trouble les repères spatiotemporels et revisite les thèmes de la métamorphose, de l’animalité, de la monstruosité et de l’au-delà. Ce mouvement initie un décentrage de l’humain et soulève des questions au sujet de sa place par rapport à l’animal et à la nature. La dimension transgressive opérée par ce remodelage culturel impacte aussi bien les valeurs, l’affectivité que les relations humaines.