Gustave Vasa et la reine Christine comptent sans doute parmi les personnages historiques suédois les plus représentés par les théâtres étrangers. En France, ce sont les scènes populaires surtout qui, pendant la première moitié du XIXe siècle, exploitent les potentialités idéologiques aussi bien que scéniques offertes par deux personnages royaux exceptionnels, autant par leur impact politique que par leur destin : Gustave, fondateur de la dynastie de Vasa qui se fait « roi des mines » et Christine, reine transfuge qui abdique et assassine. Une dizaine de pièces consacrées à chacun des deux souverains suédois, créées au Théâtre du Marais, à la Gaîté ou au Cirque Olympique (pour Christine à la Comédie Française également), proposent au public français des héros, historiques et mythiques, étrangers et anachroniques à la fois, qui participent à la construction de l’identité nationale.
Bien que deux siècles séparent les personnages historiques en question, leur construction dramatique parallèle sur les scènes françaises, qui coïncide avec le renouveau de l'art dramatique et des conceptions théâtrales, permet de s’interroger sur un certain nombre de modalités de leur mise en spectacle. Les deux séries de pièces articulent différemment la thématique de l’individu exceptionnel. L’idéal d’une monarchie populaire et les aspirations égalitaires du socialisme utopique s’incarnent dans la figure messianique de Gustave, alors que Christine, figure de la transgression, représente la double incapacité de la femme à assumer le pouvoir et la féminité.