La Picardie est souvent tenue pour une région sans identité (cf. Rey 1996 : 1627) et le picard comme presque mort. Cependant le picard - au Moyen Âge encore en usage devant les tribunaux en Picardie linguistique (cf. carte no. 1) et d’une grande vitalité littéraire - est de nos jours encore assez vivace, même si son usage à coté du français (devenant, dès le 16ème siècle, la langue officielle de la vie publique) a été de plus en plus restreint.
Il se pose donc la question comment le picard a pu survivre face à la dominance quasiment absolue du français, et cela sans une idéologie de la picardicité (pire encore sans être conçu par les propres locuteurs comme une langue, si on considère les dénominations comme le chti, le chtimi, patois ou rouchi). Le picard ne peut donc être vu indépendant du français. Selon la terminologie très porteuse de Eloy (2004), le picard serait donc une langue collatérale.
Nos analyses de trois méthodes de picard, des contributions de locuteurs de deux émissions de Radio France Bleu Picardie sur le sujet : “Parlez-vous picard ?”, des contributions des lecteurs de la revue Ch’Lanchron (intégralement en picard) et des forums à l’Internet montrent beaucoup de facteurs pour l’attachement personnel et identitaire à la langue picarde :
- le picard comme patrimoine immatériel de la région, dans un monde qui change
- le picard comme langue d’identité personnelle, l’expression naturelles des pensées
- le picard comme langue de plaisanteries, des liens personnels
- un code secret envers ceux qui ne le comprennent pas.
L’énumération du picard parmi les langues de France dans le rapport Cerquilini de 1999, ainsi que les activités des linguistes d’Amiens et de Lille ont contribué à un commencement de prise de conscience que le picard est une langue et que les parlers locaux sont des variétés de cette langue, ainsi qu’il est un patrimoine culturel de la région et que parler picard est le droit des individus picardisants. La grande question relative au futur du picard reste cependant la transmission de la langue aux générations qui viennent.